On a souvent essayé de mesurer l’effet sur la démocratie de l’avènement d’Internet (et plus récemment des « médias sociaux », tels Facebook ou Twitter). La question est tout sauf anodine : difficile à croire, mais en 1993 il n’existait que quelque 50 sites sur la toile. Vingt ans plus tard, il est presque impossible de les dénombrer, alors que des révolutions sont mises sur le compte de l’utilisation de ces nouveaux moyens de communication, qu’une fracture numérique (digital divide) semble séparer les peuples qui y ont accès des autres, ceux qui ne peuvent pas se connecter, et que, au sein des premiers, un fossé de plus en plus large distingue les utilisateurs de ces moyens de ceux qui en sont privés.

Selon certains, Internet ne serait ni plus ni moins qu’une découverte qui changerait le monde, une innovation du même calibre – sinon encore plus importante – que l’invention des caractères mobiles d’imprimerie. Quand on sait ce que cette dernière a représenté pour la civilisation occidentale (la naissance de mouvements tels que la Renaissance et la Réforme et, à terme, la fin du pouvoir féodal d’origine divine), l’on reste stupéfait, surtout si l’on considère la rapidité avec laquelle ces nouveaux moyens se répandent.

D’autres sont plus réservés, estimant qu’au bout du compte, il ne s’agirait que d’un changement quantitatif – important, certes – mais qui n’est pas de nature à bouleverser en profondeur les structures sociales telles que nous les connaissons. Ce ne serait en somme qu’une application de plus de cet « idiot très rapide » qu’est l’ordinateur.

Mais d’autres encore pensent, en revanche, qu’Internet est en effet en train de modifier le monde en profondeur, et pas seulement la démocratie. Il agirait à la fois sur la structure sociale et sur la structure personnelle de ses utilisateurs, en modifiant non seulement les rapports entre les personnes, mais aussi les personnes elles-mêmes, y compris et jusqu’à la structure de leurs cerveaux.

On le voit, il s’agit de toutes façons d’un sujet brûlant d’actualité, qui ne pourra que le devenir encore plus, tant nous sommes de plus en plus immergés dans la toile, dont nous dépendons de façon accrue et croissante. Une des façons d’aborder le problème peut alors être de vérifier si Internet a effectivement cet effet « niveleur » qu’on lui attribue, et qui dépasserait largement les frontières étatiques, voire continentales, permettant l’émergence d’une culture commune et universelle ou (ce qui n’exclut d’ailleurs pas le premier terme) s’il permet aussi le développement de sociétés soudées à un niveau inférieur, sur des bases différentes, déterminées par des préférences spécifiques. Parmi lesquelles, bien sûr, l’appartenance « nationale », à savoir l’identification à un groupe ethnique qui peut coïncider avec un État, bien que, la plupart des fois, ce ne soit pas le cas. Encore, dans l’affirmative, faudrait-il alors mesurer l’effet de cette « société virtuelle » qui se forme. En ce qui nous concerne ici, il serait notamment nécessaire d’évaluer dans quelle mesure Internet peut aider des minorités à être, si l’on peut dire, un peu moins « minoritaires » et contribuer à développer chez celles-ci à la fois une auto-conscience accrue et une plus grande solidarité, évolution qui leur serait en revanche interdite dans une vie sans Internet. Tâche difficile, délicate, mais ô combien urgente et stimulante. C’est la raison de la présence dans le Collège 2012 de Mme Isabelle Rigoni, professeure à Sciences Po et à l’INSEEC de Bordeaux, mais aussi spécialiste et chercheuse en la matière.

Quelques infos en plus

 

Écoutez l’enregistrement du collège

Retrouvez ici le cours magistrale de Madame Isabelle Rigoni et le débat qui a suivi au cours de l’après-midi

Isabelle Rigoni

Les minorités à l'âge d'Internet: réseaux et solidarité

Isabelle Rigoni

Les minorités à l'âge d'Internet: réseaux et solidarité - 2

Isabelle Rigoni

Les minorités à l'âge d'Internet: réseaux et solidarité - 3

Daniele Fusinaz

présentation du guichet linguistique en ligne lo gnaleï

Francesco Candido

Il Piemonte e il futuro incerto delle minoranze linguistiche in Italia

Le Collège et le festival des peuples minoritaires en images